Méditation, espoirs et réalité
On peut raisonnablement dire que lorsque la plupart des gens commencent la pratique de la méditation, ils le font avec un certain enthousiasme et même qu’ils se sentent habités d’une sorte d’excitation profonde à l’idée de s’investir dans une discipline spirituelle. Ils s’impliquent avec plein de curiosité dans cette activité nouvelle et inexplorée et entretiennent toutes sortes d’attentes et d’espoirs à son sujet.
« Peut-être qu’à travers la méditation quelque chose d’extraordinaire et de miraculeux arrivera ? J’aurai des visions et vivrai une profonde paix de l’esprit permanente et peut-être que des êtres divins m’apparaîtront… ? »
Mais après quelques heures, quelques jours, quelques semaines – de pratique, beaucoup font face à une forte baisse d’enthousiasme pour la méditation. Ils ne s’assoient plus avec la même ardeur qu’au début ; la pratique ne devenant qu’un autre élément répétitif de leur routine quotidienne. Il se peut même qu’ils soient confrontés à un esprit qui au lieu de devenir plus calme et plus paisible, semble être de plus en plus instable et distrait.
Malgré les difficultés rencontrées, certains continuent un certain temps à se convaincre de l’importance de méditer, mais même les mots jour après jour commencent à perdre tout impact. Ils deviennent frustrés par la difficulté de méditer et en perdent tout à fait l’intérêt, jusqu’à arriver à la conclusion que cela n’en vaut tout simplement pas la peine et que les concernant la pratique de la méditation est une perte de temps.
Malheureusement, ceci arrive à beaucoup d’entre vous et soyez rassurés vous ne faites pas parti de quelques cas exceptionnels. Une telle expérience d’exaltation initiale suivie d’ennui et de déception est tout à fait courante parmi ceux qui développent un intérêt pour la méditation. Et parmi ceux qui insistent et continuent à pratiquer, certains mêmes se sentent parfois déprimés ou découragés, et remettent en question la valeur de ce qu’ils font. Alors, où est la source du problème ? Est-ce l’approche qui est incorrecte ?
Quel est mon objectif de la pratique ?
D’abord, que cela soit clair, ce que vous cherchez à obtenir par la méditation n’existe pas en dehors de vous-mêmes. Vous tendez souvent de baser votre idée d’ « obtenir quelque chose » sur votre expérience quotidienne de l’acquisition. Vous travaillez et, en conséquence, vous obtenez quelque chose en retour. La méditation, cependant, est assez différente. Car il n’y a rien que vous ne puissiez jamais espérer obtenir d’elle sans profondément vous changer vous-mêmes.
Ainsi, le sujet de la méditation est d’abord celui de votre propre vie. Ceci inclut tout ce avec quoi vous êtes intrinsèquement en contact : vos pensées, vos perceptions et vos sentiments, votre corps, vos relations avec les autres, votre dépendance à l’environnement extérieur, votre naissance, votre vieillissement, et enfin votre mort. C’est seulement ici, parmi ces choses, que vous trouvez le point de départ pour la pratique de la méditation.
En perdant contact avec ce point de départ et en fondant à la place votre pratique sur l’attente de quelque chose de neuf et d’extraordinaire, vous êtes alors destinés à connaître la frustration et la déception. Le but de la méditation n’est pas de simplement satisfaire vos souhaits ou vos attentes. Son objectif n’est pas de centrer votre attention sur un idéal illusoire mais de la porter à nouveau sur la véritable réalité de votre existence et de votre véritable nature.
Démarrer correctement sa pratique
Où se situe exactement ce point de départ ? Il se trouve dans la reconnaissance claire du besoin de méditer. Car c’est seulement quand la méditation est ressentie comme une chose entièrement nécessaire, que vous serez inspirés de la pratiquer avec une totale sincérité et un total engagement. Mais si, au contraire, vous n’avez pas une conscience immédiate de pourquoi vous méditez, ou si vos raisons sont confuses et mélangées avec des désirs vagues et des attentes irréalistes, alors il est fort possible que votre méditation ne dégénère en une routine mécanique qui vous mènera nulle part.
Il vous faut dès lors vous demander : pourquoi est-ce nécessaire de méditer? La racine de cette nécessité repose sur le fait que la vie telle que vous la vivez présentement est insatisfaisante. Que cela vous plaise ou non, vous êtes toujours sujets aux déceptions, maladies, peurs, vieillissement, échec à obtenir ce que vous voulez, et d’un point de vue ultime, la menace constante et inconsciente de la mort. Où que vous alliez sur cette terre, malgré toutes les précautions que vous prenez pour vous protéger, il est tout à fait impossible de s’extraire de ces dangers. Car ce ne sont pas des choses qui existent en dehors de vous-mêmes. Elles sont bâties en vous et vous les portez avec vous où que vous alliez, à chaque moment de la journée et de la nuit. C’est la nature même de la condition humaine. Et tant que vous conserverez le privilège de votre humanité, il sera de votre responsabilité de faire face à ces réalités de la vie et d’apprendre à les accepter, au lieu d’essayer de les éviter ou de les fuir d’une façon ou d’une autre.
Ce qui peut-être vous laisse le plus perplexe est que vous ne comprenez pas vraiment pourquoi tout cela vous arrive. Vous ne vivez pas ces évènements de votre plein gré et vous êtes simplement conduits par la force aveugle de circonstances qui sont différentes de vos souhaits. Vous réalisez ainsi que votre vie est un mystère et qu’elle se présente comme une question sans réponse, la « grande question de la naissance et de la mort » à laquelle il n’y a clairement aucune solution simple.
C’est sur la base de cette question fondamentale que vous pouvez maintenant commencer à discerner plus clairement pourquoi la méditation est nécessaire. Car le processus de méditation est un moyen par lequel vous acceptez cette question et à partir duquel il vous est possible d’engager un processus de réponse à son sujet.
Résoudre l’énigme de sa vie
Le but de la méditation, alors, est de résoudre l’énigme de votre vie. A travers elle, vous aspirez à vous rapprocher de plus en plus du coeur du problème jusqu’à atteindre enfin une certaine clarté, qui soit à même de dissiper la confusion dans laquelle vous êtes actuellement plongés. Le besoin de méditation est, par conséquent, inséparable de la question fondamentale qu’implique votre existence même.
Dès lors où cette question exige une réponse de votre part, vous êtes amenés à rechercher à l’intérieur de vous-mêmes pour y trouver la réponse adéquate. Lorsque ce sens du questionnement fondamental est perdu, votre méditation se coupe de sa connexion essentielle à votre vie car elle ne poursuit plus le chemin d’une recherche intérieure.
Cela dit, il y a le danger constant, d’en arriver à centrer son attention seulement sur la méthode elle-même. Votre attention s’éloigne de la question fondamentale de la vie humaine qui l’a initiée, et acquiert à la place un caractère technique : comment médite t-on? Comment ça marche? Quels effets produit elle? Quelles sont les étapes que l’on traverse? Il est, bien sûr, nécessaire d’avoir une base de connaissance de ces points. Mais le besoin d’une telle connaissance est strictement limité, et doit toujours rester subordonné à la nécessité bien plus grande de résoudre la question de la vie et de la mort.
De la même façon, vous échouerez à saisir l’importance de la méditation si vous considérez seulement son but comme étant de produire un état mental paisible et calme. Cela ne veut pas dire qu’un tel état de paix ne soit ni bon ni désirable. C’est évidemment un apport positif et qui importe, mais qui ne devrait être traitée que comme un effet secondaire de la pratique méditative et non comme son but premier car la simple tranquillité mentale n’est pas une réponse adéquate à la question fondamentale de la vie et de la mort.
Bien que cela puisse sembler très attirant de pouvoir demeurer dans un état si calme et paisible, vous vous empêchez ainsi de résoudre sincèrement la confusion et le mystère au cœur de l’existence humaine. Parce qu’elle laisse la plupart des questions fondamentales sans réponse, la tranquillité mentale seule ne peut jamais vraiment être satisfaisante. Elle ne peut fournir qu’une sensation temporaire de soulagement, mais à la fin elle se révèlera comme un traitement incapable d’effacer les symptômes du mal qui vous habite et impuissant à vous guérir.
La même chose peut être dite pour bien d’autres phénomènes communément associés à la pratique de la méditation : certains changements spectaculaires du caractère et de la personnalité, la survenue d’événements extraordinaires et miraculeux, l’apparition de visions ou d’extases cérébrales et autres. Là encore, il ne s’agit pas de nier que de telles expériences se produisent par le résultat de la méditation mais qu’en fait elles ne sont pas d’une importance primordiale et que vous devriez résister à la tentation d’en être fascinés et de chercher à les reproduire. Car aussitôt que vous les élevez au rang de préoccupation centrale, vous perdez de vue le but ultime de la pratique.
Ainsi, il est de la plus grande importance d’examiner constamment votre motivation à vouloir pratiquer la méditation. Etes-vous réellement concernés par la résolution des questions fondamentales de votre existence, ou êtes-vous plus intéressés par la simple expérience de quelque chose d’extraordinaire et nouveau? Etes-vous véritablement conscients du besoin de dissiper la confusion la plus intime de votre vie, ou êtes-vous juste à la recherche d’un état d’esprit plus tranquille?
La grande question de la vie et de la mort
Le sérieux absolu de la grande question de la vie et de la mort peut vous rendre mal à l’aise. Ainsi, quand au cours de votre pratique vous tentez de vous confronter délibérément à cette condition fondamentale, vous découvrez au bout de quelques instant que votre esprit est distrait et volage. Qu’au lieu d’être concentré sur la préoccupation centrale de la méditation, il s’est échappé. Que vous étiez entrain de rêver, d’être absorbés par toutes sortes de fantasmes. Voire que vous vous étiez endormis
Ce type de situation vous éloigne du but final de votre pratique et vous emmène à l’opposé de ce à quoi vous aspirez. Bien qu’il y puisse y avoir des causes différentes à la distraction, je pense que l’une des raisons les plus profondes est votre aversion innée à effectivement affronter la gravité d’une vie qui balance dangereusement entre la naissance et la mort.
Faire face à une tendance forte à la distraction et gagner en contrôle sur le mental exige une grande dose d’effort enthousiasme. Ainsi, il est important de vous rappeler constamment quel est l’objectif principal de la méditation.
Grâce à une motivation sincère capable de vous pousser vers la pratique, et à travers la force d’un intérêt juste, la tendance à être distrait diminuera naturellement.
Ce serait induire en erreur que de dire qu’une pratique fructueuse de la méditation ne requiert pas une grande dose de persévérance, d’indulgence et de courage. Car il faut être prêt à y accorder un temps considérable et subir les épreuves et les difficultés qu’elle entraîne.
Plus vous reconnaîtrez la profonde nécessité intérieure de méditer, moins vous serez découragés par les épreuves que cela implique. Quand vous deviendrez profondément convaincu du besoin de méditer, alors tout obstacle qui pourrait apparaître sur votre chemin vous semblera insignifiant.
Votre situation peut être comparée à celle d’une personne dont la vie dépend de l’obtention d’un médicament. Peu importe les difficultés qu’elle rencontre dans sa quête, elles ne seront pas assez grandes pour l’empêcher de continuer à le trouver.
De la même manière, quand vous reconnaissez l’importance de la méditation comme moyen de vous mener à répondre à la question centrale de votre vie, il n’y a pas de difficulté que vous ne soyez préparés à surmonter.