Durant plusieurs années, j’ai cheminé dans des monastères d’Inde, du Japon et de Birmanie. Pas en quête d’exotisme ou de spiritualité spectaculaire, mais poussé par une intuition intérieure : celle que notre mal-être moderne a des racines plus profondes que ce que la psychologie occidentale saisit souvent.
C’est en Birmanie que cette intuition a pris corps. Là-bas, dans le silence des monastères, loin de tout repère culturel familier, j’ai rencontré une forme de thérapie radicale : la méditation vipassanā.
1.Comprendre depuis l’intérieur
Vipassanā, ce n’est pas « faire le vide ». C’est au contraire plonger au cœur du flux mental, sans l’interrompre, sans s’y perdre. Observer, avec précision, comment une pensée naît, comment une émotion se forme, comment le corps réagit… et surtout, comment l’ego s’approprie tout cela.
Chaque instant devient une occasion de voir le mécanisme de la souffrance en direct. Pas en théorie. Pas dans les mots. Mais dans le corps, dans l’esprit, dans l’expérience nue.
C’est un processus inconfortable, parfois brutal, souvent bouleversant… mais d’une puissance thérapeutique inégalée.
2.Ce que ces expériences m’ont appris
L’art de l’observation sans jugement : Vipassana ne cherche pas à « vider l’esprit », mais à cultiver une présence lucide à chaque sensation, pensée et émotion.
La discipline comme libération : 10 heures d’assise et de marche par jour en silence ? Oui, c’est difficile… mais révélateur de nos automatismes mentaux et de nos conditionnements.
Une approche universelle : Contrairement à une idée reçue, cette pratique n’exige aucune croyance religieuse – juste de la curiosité envers son propre fonctionnement.
3.La thérapie sans thérapeute ?
En Occident, nous avons le modèle du thérapeute-guide tel que je suis , qui écoute, reformule, soutient, interprète. En vipassanā, le guide est l’expérience elle-même.
Il n’y a rien à interpréter. Seulement à voir, encore et encore, jusqu’à ce que l’illusion se fissure.
Et ce que l’on découvre, c’est que la plupart de nos conflits, de nos anxiétés, de nos blocages… ne sont pas des « problèmes à résoudre », mais des phénomènes à reconnaître, à laisser passer.
Ce travail, silencieux mais profond, peut transformer ce que la parole n’arrive pas toujours à atteindre.
4.Une résonance dans le monde du travail
Aujourd’hui, j’intègre cette approche dans mes accompagnements, même en entreprise. Et cela peut sembler paradoxal : parler d’impermanence et de non-soi dans un monde obsédé par la performance et l’ego.
Mais justement. Le stress professionnel, les burn-outs, les tensions relationnelles ne sont pas uniquement dus à la charge de travail. Ils prennent racine dans des mécanismes identitaires : se prouver, réussir, plaire, contrôler…
Quand un collaborateur commence à observer, avec un peu de recul, ces dynamiques internes, le changement devient possible. Pas en surface. Mais en profondeur.
5.Un pont entre traditions et modernité
Je ne propose pas la méditation comme une solution “new age”. Je la propose comme une voie rigoureuse, structurée, puissante, qui, lorsqu’elle est transmise avec éthique et ancrage, peut devenir un complément naturel à l’accompagnement thérapeutique et un levier de transformation dans les organisations.
Il est temps de reconnaître que certaines sagesses anciennes sont d’une modernité troublante. Et que ce que nous cherchons désespérément à l’extérieur — paix, clarté, confiance — commence parfois dans un simple souffle… pleinement observé.