Notion de Douleur et Souffrance dans le Bouddhisme
Qu’est-ce que la douleur ? Que peut-on dire de la souffrance ? Ces deux mots « souffrance » et « douleur » sont souvent mal utilisés. La confusion entre les deux est fréquente surtout quand on imagine par exemple que la souffrance serait morale et la douleur physique.
En fait, beaucoup de monde au quotidien les inverse. Chacun des termes se retrouvant défini par celui-là même auquel il s’oppose : la souffrance serait une douleur morale, et la douleur une souffrance physique.
En fait, il y a la douleur morale et la douleur physique. Par opposition à la douleur d’origine physique, la douleur morale reste uniquement psychique et se rattache généralement aux états d’anxiété et à la dépression. À l’occasion d’un deuil, d’une rupture, d’une séparation, d’un état de stress, chacun peut ressentir une telle douleur. La vie actuelle est alors ressentie avec tristesse, l’avenir envisagé avec pessimisme. Tout le présent est subi passivement, sans intérêt ni investissement, et les activités quotidiennes et professionnelles sont poursuivies avec indifférence et souvent d’une manière ralentie.
Chez l’individu normal, cette douleur morale s’atténue au bout de quelques semaines, voire quelques mois, quand le travail de deuil s’est normalement terminé.
Quant à la douleur physique, dans le bouddhisme le fait d’avoir un corps signifie que son l’être va en faire malgré lui l’expérience de sensations physiques plus ou moins vives. Quel que soit son mode de vie, même si l’être pense être en bonne santé, ce corps va forcément tomber malade, se blesser, vieillir et mourir avec tout ce que cela comporte de dure réalité et de confrontation à la douleur.
Bien que la douleur physique soit ressentie habituellement comme un phénomène unique, elle est en réalité composée d’éléments distincts qui incluent une sensation physique désagréable associé à un ressenti mental appeler souffrance.
A de rares exceptions près, l’être humain n’a pas très envie d’être confronté à la douleur. La plupart des êtres vivants partagent cette aversion. Pourtant, les êtres humains semblent être les seuls à pouvoir transformer cette douleur en souffrance. À l’inconfort physique, ils rajoutent très vite une épaisseur de jugements négatifs : « Pourquoi cela m’arrive-t-il ? », « cette sensation m’est très insupportable», « je vais être privé de ceci ou de cela », etc. Cette identification profonde à ces pensées amplifie encore davantage ce ressenti physique de la douleur et lui donne la lourdeur dense de la souffrance.
Pour le Bouddha la douleur est inévitable mais la souffrance est optionnelle. Il a enseigné que la douleur physique est comparable au fait d’être touché par une flèche. Celui qui ne résiste pas à la douleur physique ressent seulement l’effet de cette flèche. Pourtant la plupart de ceux qui expérimentent la douleur y ajoute une couche de souffrance émotionnelle. L’angoisse, l’anxiété, le stress et la peur devant cette douleur sont comparables au fait d’être touché par une seconde flèche. Malgré le fait que la première flèche soit désagréable, l’essentiel de la souffrance provient en réalité de la seconde flèche, celle que nous nous décochons en réagissant mentalement à la douleur initiale en cherchant un raccourci, un chemin de traverse qui évitera cette épreuve de la douleur.
Que dit le Bouddha à propos de la douleur et de la façon de l’endurer ? Il souligne qu’il y a deux aspects à notre malaise : l’un qui est physique et auquel on ne peut pas grand-chose et l’autre qui est mental et sur lequel on peut agir. Or c’est l’aspect mental qui est le plus important. En fait, l’attitude de l’esprit vis-à-vis de la douleur physique est parfois si puissante qu’elle peut en faire diminuer l’intensité. C’est-à-dire faire l’expérience de la douleur sans souffrir de l’expérience de cette douleur.
Quand on a mal, la tendance habituelle consiste à essayer de fuir la douleur. Si l’esprit va simplement à la rencontre de la douleur au lieu de s’en éloigner aussitôt, il va se familiariser avec cette sensation plutôt que s’y opposer. Il lui donne de l’accueil plutôt que du rejet. L’idée est de prendre soin de la douleur, de l’étreindre et de la tenir en pleine conscience. Une telle attitude va permettre de réaliser que la souffrance ne réside que dans le fait de penser « je ne veux pas de cette douleur. Je veux qu’elle s’en aille ! ».
Diminuer la souffrance face à une douleur, c’est associer une attitude d’acceptation en lui faisant face plutôt que de chercher à la fuir. L’acceptation implique d’avoir un contact avec les expériences douloureuses sans que cela n’ait un impact significatif sur la conduite. Cela veut surtout dire qu’il n’y a aucun comportement d’évitement.
Des études récentes ont même démontré que l’entraînement mental dans certaines circonstances peut réduire la douleur ressentie sans avoir besoin de recourir aux médicaments. L’association entre une bonne prédisposition à l’acceptation de la douleur et un entraînement mental adapté sont des facteurs clés pour que l’impact de la douleur sur le corps se réduise. Peut-être qu’il ne sera pas possible de la faire disparaître totalement, cependant il devrait permettre de gagner en confort.
Les êtres humains ont tendance à croire que le chemin vers le bonheur passe par la recherche du plaisir et par l’évitement de la douleur. Souffrir de la douleur, par opposition à en faire l’expérience est le résultat de tentatives d’évitement et de lutte. S’opposer à ce qui est inévitable n’est certainement pas la meilleure façon d’être heureux. Convenez également que la douleur est inévitable, mais la souffrance facultative.
L’essentiel est de ne pas résister aux expériences douloureuses ni de s’accrocher à celles qui sont agréables : c’est une forme de désir irrépressible et le désir irrépressible mène à la souffrance. Le plus délicat est de rester attentif, tolérant et curieux vis à vis des expériences douloureuses.
Au final, le bonheur ne revient-il pas à choisir entre l’inconfort de prendre conscience de nos souffrances mentales et l’inconfort d’être gouverné par elles.
Enfin, sachez que la méditation peut s’inscrire dans une démarche spirituelle, mais elle gagne aussi de plus en plus d’intérêt dans le domaine de la santé et notamment dans le cadre de la gestion de la douleur.