Bouddha, idée et réalité

« Il y a une doctrine enseignée et une discipline établie. Après mon départ, que celles-ci deviennent votre maître. Il existe de simples refuges : montagnes et forêts, bosquets et arbres sacrés qui sont la destination des êtres apeurés. Ce ne sont là ni refuges tranquilles ni refuges suprêmes; ce n’est pas l’atteinte de ces refuges qui libérera de la souffrance… »

                                                                                                                                                                                                                               Bouddha

La question qui se pose tout de suite est : « qui était le Bouddha ? ». Il est bon tout d’abord de préciser que le terme « Bouddha » vient du mot « Bodhi » qui veut dire Sagesse. Il n’est pas un nom propre, mais un titre qui signifie « celui qui a découvert » ou « celui qui a réalisé ». Il est celui qui connaît la réalité, la vérité dans le contexte bouddhique. Il ne fait pas référence à une proposition dogmatique édictée par une autorité prophétique, mais tout simplement aux lois naturelles brouillées par l’illusion.

D’ailleurs le Bouddha Shakyamuni insistera lui-même sur le fait qu’il n’est ni un dieu, ni le messager d’une autorité divine et que son illumination n’est pas le résultat d’un processus ou d’un agent surnaturel, mais plutôt le résultat d’une attention particulière à la nature de l’esprit humain, qui peut être découverte par tous les êtres humains.

La doctrine du Bouddhisme de l’école Theravada, dont je fais partie en tant que moine, explique comment accéder soi-même à la délivrance. Elle rejette catégoriquement l’idée d’un dieu créateur et tout puissant, ainsi que l’idée d’un salut obtenu par la seule dévotion et le culte des reliques. Elle considère le Bouddha comme celui qui a montré la voie vers la libération du monde de la souffrance.

Ecole la plus ancienne et la plus proche du bouddhisme primitif, le Theravada, propose un enseignement traditionnel pour avancer sur la « voie de l’Eveil », dont l’étape de perfection ultime (nirvana) se traduit par le dépouillement de tout lien de souffrance ou de désir. Son enseignement et sa pratique reposent sur trois piliers : la générosité, la discipline, le développement mental. L’objectif est de se libérer du samsara, le « cycle des renaissances ». Etre sauvé, signifie être libéré d’un monde terrestre réduit à des réalités « phénoménales » ou « impermanentes ».

Cela signifie qu’on ne peut attendre de personne l’obtention de l’illumination. La vérité et la libération doivent être cherchées en soi-même. La destinée de chacun dépend de soi, de ses pensées, de ses paroles et de ses actes. L’être est pleinement responsable de son bonheur comme de son malheur. L’idée est de ne compter que sur ses propres ressources, de ne chercher que dans son expérience méditative intime les instruments de sa propre délivrance.

La doctrine n’a jamais variée de la position selon laquelle le Bouddha est bien mort et n’est plus actif dans ce monde si ce n’est à travers la pratique de son enseignement.

Dans les moments de grandes difficultés certaines personnes le prient pour obtenir de l’aide. Il s’agit d’un acte spontané d’émotion qui ne leur apporte rien si ce n’est un soulagement psychologique sur l’instant.

Il ne nous reste donc du Bouddha que ses enseignements et les éléments de sa vie illustrant ses enseignements fondés sur une compréhension du réel, et dont chacun peut, s’il le souhaite, vérifier la véracité, cad l’efficacité à travers sa propre expérience.

Ainsi, le Bouddha ne se présentait pas comme l’inventeur d’une théorie, mais comme celui qui a redécouvert et remis pédagogiquement en lumière, le fonctionnement de lois naturelles, en particulier celle de la re-naissance et qui en a tiré les enseignements et les pratiques nécessaires pour se libérer de l’ici-bas comme de l’au-delà, au lieu d’en rester le prisonnier impuissant.

L’enseignement du Bouddha est universel car il ne s’intéresse qu’aux questions existentielles les plus fondamentales. Il est avant tout pragmatique et consiste en une observation qui permet de faire progresser une compréhension de ce réel tel qu’il est, non en une accumulation d’explications à propos des choses de la vie.

Le but est en effet de voir clairement les choses telles qu’elles sont, cad impermanentes, sans essence et sources de souffrances. En atteignant la pleine conscience de ce qu’est un corps, de ce que sont des sensations et des pensées, le pratiquant cessera de s’attacher et de projeter son ego sur des phénomènes transitoires, apparaissant et disparaissant sans cesse.

Pour ne plus mourir, il ne faut plus renaître… D’où le développement d’une spiritualité basée sur le « non-attachement ».