Pourquoi chaque matin je me lève si tôt pour méditer ?

Pour quelle raison est-ce que je consacre très tôt chaque matin au minimum une heure de mon temps à la pratique de la méditation assise ? Une pratique qui selon tout apparence ne me permettra pas de découvrir dans cette vie l’ampleur de ce pouvoir de transformation et de liberté intérieure qu’elle procure. Je dois avouer en toute honnêteté que ce n’est pas seulement la recherche de la vérité qui me pousse à m’asseoir chaque jour sur mon coussin. Il y a aussi le côté agréable de m’asseoir, de laisser la poussière mentale se dissiper, puis d’observer l’esprit à l’œuvre. Quand je me concentre avec clarté sur la respiration ou un ressenti, je perçois cet esprit qui se calme. Si un problème remonte à la surface, je peux prendre du recul et l’examiner avec sagesse. En fait, je découvre combien l’esprit est intimidé lorsque je lui propose d’être son ami.

Quand je ressens de l’anxiété, de l’appréhension, voire de la colère, grâce à la pratique je parviens à un endroit de moi-même un peu secret où je me contente d’observer le sentiment plutôt que de m’engager avec lui. A cet instant-là je vis un moment de grande vérité. Observer ce sentiment signifie noter sa localisation dans ce corps et dans cet esprit. Plus je prends conscience de sa présence avec acceptation et moins je ressens de désagrément. Ce n’est pas forcément facile mais c’est réalisable et surtout c’est à la portée de chacun.

Je comprends que cette pratique n’est pas là pour en finir avec les problèmes et je peux goûter à une certaine liberté à la seule condition de prendre à bras le corps les circonstances qui me troublent. Dans la journée, si je me sens perturbé, agacé, triste, ennuyé…bref tout ce que l’être humain n’aime pas ressentir, je mets en pratique le travail effectué sur le coussin et je me sens vite soulagé.

Quand je me réveille dans la nuit et que le sommeil me fait défaut, je fais la même chose en pensant surtout que j’ai une réelle chance d’être en vie. D’avoir découvert la méditation, et allonger patiemment dans le lit j’attends le prochain train du sommeil.

Voilà entre autres, quelques raisons pour lesquelles je continue à m’asseoir chaque matin sur ce coussin dont le tissu est décoloré et usé par tant d’années d’assise. Et même si je n’ai aucun espoir sérieux d’atteindre une possible profonde connaissance j’aspire à devenir chaque jour un peu plus éveillé et libéré. Mon objectif est de progresser au fil de cette pratique quels que soient les possibles retours en arrière.

Dans mon quotidien, la pratique me permet non seulement d’être plus détendu ayant observé mon anxiété, mon animosité ou ma peur en pleine conscience, que je les vois comme ne faisant pas partie de moi.

Je ne voudrai pas donner l’impression que ce travail soit facile. Il y a des obstacles et des frustrations. Parfois la séance peut devenir pénible cependant je peux garantir que les efforts sont payants. Ils permettent de découvrir entres autres que l’idée de réalité à l’intérieur et à l’extérieur de soi est très différente de qu’elle parait. La méditation amène à faire l’expérience des sentiments avec une sensibilité nouvelle. Cela est rendu possible par le fait d’accepter l’expérience, de ne pas porter de jugement, de s’abstenir d’étiqueter automatiquement ces sentiments comme étant bons ou mauvais. De ne pas se précipiter pour les embrasser ou pour les fuir. De rester simplement avec eux sans me perdre en eux et découvrir leur véritable nature ; juste des phénomènes.

Etre suffisamment conscient d’eux pour ne pas les laisser me malmener, m’amène à essayer de répondre au monde avec la vision la plus claire possible.

S’asseoir chaque jour sur un coussin, même quand la motivation n’y est pas. Essayer d’appliquer la pleine conscience dans la vie quotidienne peut devenir parfois un véritable combat. La vie telle qu’elle est ordinairement vécue est une forme d’illusion et il n’est possible de m’en libérer qu’en la perçant et en regardant profondément le cœur des phénomènes. Tant qu’on ne l’a pas découvert par soi-même on demeure son esclave.

Progresser sur le sentier de la méditation contribue à me faire devenir conscient des causes qui m’affectent. De la façon dont les expériences peuvent me manipuler. A prendre aussi conscience de cette soif de sensations agréables et de cette aversion pour les sensations désagréables. De répondre aux expériences avec attention et clarté, d’une manière plus libre, plus heureuse et plus agréable plutôt que de les suivre par automatisme et d’y réagir.

La méditation m’aide à tempérer mes exigences et à porter un regard de moins en moins critique et de plus en plus bienveillant sur les autres. Elle me propose à la fois un diagnostic du problème et un remède. Et ce traitement quand il fonctionne m’apporte non seulement du bonheur mais aussi une profonde clarté sur le monde qui m’entoure.

Loin de m’aider à fuir mes difficultés, la méditation m’oblige à m’y confronter comme jamais, mais il semble que je sois déterminé à payer ce prix.

« Notre vie est façonnée par notre esprit et nous devenons ce que nous pensons » Dhammapada